Le Cap Ferret, c'est de l'autre côté
de l'eau, comme le disent joliment les Arcachonnais. C'est surtout
une langue de dune et de forêt, qui sépare le bassin
d'Arcachon de l'océan Atlantique. Une langue de sable,
que les vents et les courants rongent au sud, à l'ouest
et à l'est.
Au Sud, les marées rabotent la pointe qui chaque année
recule, à l'Est les courants très violents rétrécissent
la langue de sable. A l'Ouest, les vagues de l'océan attaquent
les dunes. Plusieurs des batiments que vous verrez sur les cartes
seraient aujourd'hui dans l'eau...
Avant d'être la station balnéaire à la mode
qu'il est devenu, le Cap Ferret était un but de promenade
pour les estivants d'Arcachon, qui s'y rendaient en nombre pour
pique niquer, ou profiter de la grande solitude de ces lieux pour
y pratiquer ce qu'on appelerait aujourd'hui le naturisme.
Le seul moyen de rejoindre le Cap Ferret était alors le
bateau; les routes s'arrêtaient bien au nord et pour aller
soit au Cap soit dans les villages de pêcheurs qui ponctuent
la côte du bassin (L'Herbe, Le Canon, Pirailhan...),
il fallait une charrette qui au descendant passait par la
plage, et au montant par la forêt.
Le Cap Ferret, longtemps partie de la commune
de La Teste, n'en a été séparé que
le 21 juin 1976, lorsqu'il a été rattaché à la
commune de Lège. La région est coutumière
de ces déchirements et Arcachon était déjà née
en 1857 d'une scission d'avec La Teste.
Le journal "l'Avenir d'Arcachon" militait
en 1900 pour une annexion du Cap par la ville, ce qui n'aurait
pas manqué d'augmenter encore l'animosité entre
Arcachon et sa
"mère" La Teste.
Cap Ferret
Avenir d’Arcachon N° 2508 du 23 décembre 1900
Nous
disons Cap Ferret par habitude, mais en réalité ce
cap depuis deux ans, et par décision du Ministre de
la marine, s'appelle Cap d’Arcachon, crainte d’une
confusion possible avec le Cap Ferret sur la Méditerranée.
Il serait à souhaiter que le Cap Ferret devint Cap d’Arcachon,
autrement que par le nom. Pourquoi ce territoire dépend-il
de la commune de La Teste ? Cette commune n’y possède
par un pouce du sol ; elle en a fait abandon à l’Etat,
quand elle fut mise en demeure d’ensemencer.
Le Ferret se trouve distant de La Teste, par voie de terre à 65
kilomètres et en est séparé par les communes
d’Arès, Lège, Taussat, Lanton, Andernos,
Audenge, Le Teich, Gujan-Mestras ; par voie de mer, à 16
kilomètres en passant devant Arcachon qui n’est
distant du Cap-Ferret que de 4 kilomètres par son quartier
du Moulleau.
En plus de la distance, il y a encore la question de débarquement.
La Teste inaccessible pour les gens du Ferret, par voie de terre, à cause
de la distance, l’est presque autant par voie de mer, puisqu’on
n’y peut débarquer que peu d’heures par jour à marée
haute.
Il serait donc beaucoup plus naturel que ce territoire fut érigé en
commune, ou rattaché à la commune d’Arcachon.
Les habitants déjà nombreux du Ferret, le réclament
instamment, car ils dépendent d’un caprice de l’octroi
de La Teste de leur réclamer des droits sur les denrées
achetées à Arcachon où elles ont déjà acquitté une
taxe. On ne peut pourtant pas les forcer à aller faire
leurs achats à La Teste, quand ils ont Arcachon à quart
de route. Il est déjà assez pénible de les
obliger à aller à cette distance, pour accomplir
les formalités qu’exigent les diverses administrations.
Le service de la poste se fait par Arès autre anomalie.
Les piétons mettent 12 heures à porter le courrier.
L’administration des postes ne pourrait-elle accorder à un
vapeur une légère subvention pour qu’il soit
installé un service régulier entre Arcachon et
le Ferret, quotidien ; et laissant à ce vapeur la faculté d’emporter
aussi des passages ou des marchandises.
La ville d’Arcachon elle-même devait encourager un
industriel qui se chargerait de cette entreprise ; car Arcachon
par sa position topographique ne peut que bénéficier
de ses relations avec le Cap Ferret qui est dans l’impossibilité de
s’approvisionner ailleurs.
On ne comprend pas que pendant l’été il existe
une surabondance de service entre Arcachon et le Ferret, et que
pendant dix autres mois de l’année, toute relation
soit interrompue.
Ce serait le meilleur moyen pour la Ville, de s’acheminer
vers l’annexion du Cap Ferret à la commune d’Arcachon.
Cette dernière y trouverait un avantage certain, dans
l’accroissement du nombres de ses contribuables, qui serait
grossi d’environ 200 foyers et 800 têtes.
Et nous le répétons, sur quel droit peut se baser
la commune de La Teste, pour revendiquer ce territoire ? Elle
ne fait rien et n’a jamais rien fait pour les habitants.
Quant à la possession du sol, il est à l’Etat
comme nous l’avons dit, et il est administré par
les Eaux et Forêts.
Que la ville d’Arcachon se hâte donc de faire acte
de possession en créant des voies de communication qui
n’existent pas. Ce sera un premier titre en droit, et le
meilleur.
L
Texte recueilli par Aimé Nouailhas
18/02/07